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Publicité : Les annonceurs ont perdu l’attention et l’écoute de toute une génération

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Le Festival international de publicité de Cannes déconseille de prévoir des réunions avant 11 heures car les participants ne viendront pas, ayant célébré leur propre créativité tard la veille ou parce qu’ils sont en décalage horaire en arrivant de Los Angeles. J’aurais dû en prendre bonne note.

À Cannes, cette année, d’autres signes montraient que les publicitaires vivent dans leur propre fuseau horaire. Sept ans après le lancement de l’iPhone, le smartphone est proche de la saturation sur les marchés développés, pourtant, les annonceurs continuent à le traiter comme une invention dernier cri qui doit encore faire ses preuves.

En théorie, le smartphone est la nouvelle télévision, une technologie grand public avec laquelle chacun s’informe et se divertit. En revanche, il est inutile de le définir comme un support publicitaire. Non seulement il n’existe pas de valeur équivalente à un spot publicitaire TV de 30 secondes, mais les publicitaires ont encore du mal à en imaginer une autre.

En une génération, nous sommes passés des parents s’efforçant d’empêcher les adolescents de s’avachir devant la télévision à des jeunes ayant perdu tout intérêt pour elle. Les adolescents américains sont tellement occupés par les réseaux sociaux et la vidéo mobile qu’ils ne regardent plus la télévision que 21 minutes par semaine.

Le secteur de la publicité souffre d’un trouble déficitaire de l’attention : le public qui autrefois devant sa télé regardait docilement les spots amoureusement conçus par ses créatifs est difficile à retenir. Des millions de spectateurs existent, sur leurs téléphones et les tablettes, mais ils peuvent autant tweeter leur colère contre une marque que remarquer son flux d’annonces.


Laura Desmond, directrice général de Starcom MediaVest, l’une des plus grandes agences d’achat d’espace, déclarait à Cannes qu’elle était “inquiète, car nous pouvons tous nous retrouver au chômage d’ici un an si Reed Hastings [PDG de Netflix] réussit”. Netflix, le service de vidéos en stream, et le réseau de télévision câblée HBO s’appuient uniquement sur les frais d’abonnement et ne diffusent pas de publicité.

Lorsque la télévision a pris ses droits dans les années 1960, elle a entraîné compétitivité et efficacité dans un secteur qui ne comptait que sur les radios et les journaux locaux. “La publicité était la petite annonce pour vendre votre camion ou votre vache”, se souvient Keith Reinhard, ancien combattant de l’ère des Mad Men (Ndlr : les publicitaires) des années 1950 et 1960, quand il parle de son enfance dans l’Indiana rural des années 1940.

Le marché de masse a bien servi le secteur et les clients tels que Procter & Gamble ou Unilever, mais il est maintenant à court d’idées. Le dernier épisode de Mash sur CBS en 1983 avait rassemblé plus de 100 millions d’Américains contre 10 millions pour celui de Breaking Bad sur AMC l’année dernière. Même les épisodes des séries à succès sont souvent regardés, sans publicité, sur les appareils mobiles.

La technologie a une fois de plus divisé le public en petites entités. La fragmentation est difficile pour les annonceurs, mais est encore plus difficile pour les éditeurs, avec les blogs et les sites comme BuzzFeed et Huffington Post qui produisent un flot d’informations et de divertissements (le Huff Post publie 1.600 billets par jour).

Les éditeurs se plaignent que les tarifs qu’elle peut demander aux annonceurs baissent constamment, surtout sur mobile, mais c’est aussi un problème pour les annonceurs et les agences. Si cela ne vaut pas la peine d’acheter des publicités numériques et mobiles malgré la migration de l’audience des médias traditionnels vers ces écrans, quelque chose cloche.

Comme nous sommes dans le secteur de la publicité, Cannes n’a pas manqué d’imagination pour tenter d’y remédier. La surprise, compte tenu de la maturité des technologies numériques et mobiles, est le flou de ces idées. Il faudrait une révolution tant sur le produit lui-même que sur sa mise en place.

Jusqu’à présent, la technologie n’a pas aidé les annonceurs. Elle a fourni aux téléspectateurs un outil pour lutter contre les publicités et les rendre plus difficiles à trouver. Mais elle n’est pas forcément l’ennemie : elle pourrait servir à rassembler de nouveau le public fragmenté mais de façon plus fine que la tranche “des adultes âgés de 25 à 44 ans”.

Un exemple serait de relier le “deuxième écran” au premier en publiant des tweets et des publicités Facebook en même temps que les publicités télévisées pour bombarder les téléspectateurs qui regardent la télévision tout en gardant un œil sur leur téléphone ou tablette. Il n’y aurait pas moyen de s’échapper.

Il existe d’autres tactiques plus sophistiquées (et intrusives). Une personne qui utilise son téléphone pour acheter des produits et “poster” sur les réseaux sociaux fournit toutes sortes de données utiles aux annonceurs : qui elle est, où elle est, et ce qu’elle aime. Cela pourrait, par exemple, être utilisé pour lui envoyer une annonce si elle passe devant un magasin.

Ces techniques en sont à leurs balbutiements et les annonceurs ne savent pas si elles vont fonctionner à grande échelle, ce qui serait nécessaire, ni comment les consommateurs réagiraient. Les téléspectateurs sont habitués aux écrans publicitaires ; nul ne sait ce qu’ils accepteraient sur un appareil mobile qu’ils transportent et considèrent comme un objet très personnel.

Même si les techniques peuvent être trouvées, puis acceptées, une autre difficulté vient s’ajouter : les annonces traditionnelles ne fonctionnent pas sur les téléphones mobiles. Les petites bannières rétrécies sur les écrans d’ordinateur (sur lesquels elles sont déjà moins efficaces) ne sont pas chères à l’achat parce qu’elles passent vite, sans susciter de clics.

C’est une malédiction pour les Mad Men de Cannes, habitués à peindre une oeuvre de 30 secondes pour un auditoire captivé. Leurs créations sont remplacées par des annonces contextualisées : des manchettes percutantes qui ressemblent plus à du journalisme qu’à de la publicité. Au lieu de campagnes planifiées et bien conçues, des réponses instantanées à l’air du temps sur Facebook.

Les créatifs vont se battre jusqu’à la dernière minute”, a déclaré un consultant. Mais ce qui a fonctionné à la télévision n’attire pas le même public qu’auparavant. Les annonceurs doivent trouver quelque chose de nouveau et leur offrir ce qu’ils désirent. À en juger par Cannes, ils sont encore en train de rêver.

Financial Times (via Le nouvel Economiste), juin 2014


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